Article disponible ici via Neonmag, écrit par Line Chopin et retranscrit ci-dessous :
Croiser vos contemporains vous coûte émotionnellement et nécessite un effort ? Vous êtes simplement introverti.e. Et il n’y a rien à soigner.
Êtes-vous introverti·e ou extraverti·e ? » Sur Internet, les tests permettant de déterminer l’une ou l’autre de ces options pullulent, comme ici ou là. Dans son livre La force des discrets. Le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard (Éditions JC Lattès), la coach et conférencière américaine Susan Cain estime que 30 à 50 % de la population occidentale serait introvertie. Si vous en faites partie, pas de panique : être à l’aise en société malgré son introversion n’a rien d’impossible.
C’est d’ailleurs pour ça que Mélissa, 33 ans, a décidé de créer son compte Instagram. « (Bien) vivre son introversion en société », peut-on lire dans la bio de @les_introverti.es, qui rassemble un peu moins de 9 000 abonnés. Mélissa a eu l’idée de fonder ce compte il y a deux ans. « Je voulais trouver des personnes comme moi, qui se sentaient en décalage par rapport au reste du monde. J’ai vraiment eu ce besoin de me dire que je n’étais pas toute seule, et de trouver des personnes introverties, car je n’en ai pas du tout dans mon entourage », explique-t-elle.
Le but, c’est de décomplexer les gens vis-à-vis de l’introversion, de se dire que finalement ce n’est pas un problème d’être comme ça. On n’est pas bizarres, ni malades.
Une présence sur les réseaux sociaux qui permet aussi de mieux faire connaître l’introversion, et de déconstruire quelques idées reçues. Par exemple, être introverti et être timide, ce n’est pas vraiment la même chose, même si on peut être les deux à la fois. C’est le cas de Nathan, étudiant en école d’ingénieur : « La timidité, c’est la peur des autres : de leur regard, de leur jugement, de leur avis sur vous. Un·e introverti·e, c’est quelqu’un que les relations sociales fatiguent, car elles représentent un effort mental important ».
Sur Instagram, Mélissa laisse une grande place à l’humour, en alimentant son compte de memes : « J’ai vraiment besoin de décomplexer sur les situations qui me sont arrivées, où je me suis sentie un peu ridicule. On a tendance à ressasser les choses qui nous ont mis mal à l’aise. Le fait de faire des memes, ça permet de se retrouver là-dessus et d’en rire ensemble. C’est ce qui m’aide à avancer chaque jour. »
« Si on se force, c’est contreproductif »
Lorsqu’on est introverti·e, se faire des amis, passer des appels ou encore parler en public peut vite devenir compliqué. Des situations quotidiennes, voire multiquotidiennes. Alors, comment y faire face ? « Si on se force, ça va être contreproductif », tranche Mélissa. « Par exemple, à l’école, quand on oblige des élèves introvertis à participer en classe, ça peut créer des blocages et ne plus du tout donner envie de s’investir ». Mais on peut se lancer des petits défis, étape par étape. « C’est ce que je faisais, affirme Mélissa. Chaque jour, je m’entraînais à faire quelque chose. Et chaque petit pas que je faisais m’amenait de plus en plus vers la réalisation de telle ou telle action qui m’angoissait. » Vous devez faire un exposé devant vos camarades de classe, ou animer une présentation importante devant tous vos collègues ? Commencez par vous entraîner devant des personnes avec qui vous vous sentez en confiance, comme des ami·es ou de la famille.
Bien vivre son introversion passe aussi par l’acceptation. Pour Justine, 30 ans, ça a pris du temps. « Pendant des années, je n’arrivais pas à mettre de mot dessus. Je traînais ça comme un boulet, et ça m’a énormément handicapée, dans tous les aspects de ma vie. Je me sentais coupable et surtout, incomprise, se souvient-elle. Aujourd’hui, je sais que j’ai une batterie sociale, et qu’elle peut se décharger très vite. Quand j’ai eu ma dose de contacts sociaux, j’ai besoin d’être dans ma bulle », poursuit Justine. Et c’est OK.
Quant à Nathan, l’introversion reste complexe à vivre au quotidien, mais il voit quelques améliorations depuis qu’il se connaît davantage : « J’ai moins de remords à ne pas aller à des soirées depuis que je sais pourquoi je n’en ai pas envie. Il ne faut pas avoir peur de limiter les contacts : c’est nécessaire pour nous. » Un mode de fonctionnement qui peut parfois être mal perçu par l’entourage, relate Mélissa : « Il faut l’expliquer. Quand on réussit à s’affirmer, on arrive plus facilement à indiquer à nos proches nos besoins« .
« L’introversion, ce n’est pas une tare, c’est au contraire une force », conclut Justine. Être introverti·e n’empêche d’ailleurs pas de réussir sa vie : ce n’est pas Emma Watson ou Bill Gates qui vous diront le contraire.